Crise du Covid19 : Pourquoi le scorpion est plus dangereux que le serpent

By | 28 avril 2020

 »En fixant le serpent on en oublie le scorpion. »

Voila ce que nous dit un proverbe africain.

Appliqué à la conjoncture quel sens lui attribué ?

C’est simple.

Pendant que nos attentions sont rivées sur la crise sanitaire et économique en cours , le plus évident, soit le serpent, on occulte totalement une autre menace et plus inquiétante qui se profile.

Une crise sans précédent aux effets dont nul à ce jour est en mesure de prévoir les conséquences sur nos pays.

Et cette crise en devenir c’est le scorpion que l’on ne voit pas.

Pourtant sa piqûre peut être létale en tout cas risque de mettre  totalement à genou un système socio-économique érigé depuis la seconde guerre mondiale et arrivé à bout de souffle. Une façon de vivre que l’on devinait depuis quelques temps sur le fil du rasoir.

Mais joueurs et disposant d une certaine aversion pour le risque surtout quand il est assorti de nombreuses assurances comme en France qui en limitent les pertes, on s’est laissé griser par ces mises qui rapportaient tjrs davantage.

Mais voilà le scorpion est là patient.

Bref la menace qui pèse au-dessus de nos têtes comme une Épée de Damoclès avec la perspective d’un cataclysme c’est la casse sociale. Il n y a pas d’autres mots pour décrire la prochaine étape et la plus redoutable. 

Oui une casse sociale d’une ampleur jamais vue qui va faire passer la fracture sociale pour de la roupie de sansonnet.

On le voit un peu plus chaque jour cette crise sanitaire porte en elle les germes susceptibles de menacer à moyen terme cette paix sociale déjà grandement fragilisée par des inégalités criantes et croissantes, un territoire national fragmenté,  la République indivisible contestée et une autorité politique ébranlée, chahutée. 

Vision pessimiste ? Prophète de malheurs ?

Reprenons et posons nous les questions qui éclairent sur ce qui est en gestation pour bien comprendre hélas que le risque d’une déflagration sociale à venir est réel

Aujourd’hui on compte plus de 10 millions de salariés au chômage partiel.

Combien vont faire l’objet d’un licenciement ?

Pas tout de suite mais quand la marche normale de l’économie aura repris ses droits avec ses comptes binaires, profits contre pertes.

Si les chiffres ne suivent pas pour cause d’une reprise de l’économie trop lente, combien d’entreprises céderont aux sirènes du dégraissage rendu nécessaire par cette conjoncture qui n’est pas au rendez vous. Arrêtons de nous mentir, la logique économique finira par s’imposer.

Déjà Airbus par exemple un des fleurons de l’industrie européenne et un des plus rentables vient de publier une sombre évaluation de l’impact de la crise du coronavirus, demandant aux 135.000 employés de la société de se préparer à des réductions d’emplois potentiellement plus importantes qu’annoncées et avertissant que sa survie est en jeu sans action immédiate.

Si Airbus rompt, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que l’effet domino sera de l’ordre d’un tsunami.

Il faut s’attendre à une hécatombe du côté des PME, PMI, ETI et des entreprises familiales.

Sans compter les professions indépendantes, les auto-entrepreneurs déjà à l’activité balbutiante, aux freelances, aux intermittents, aux pigistes, et la liste est loin d’être exhaustive. 

Autant de professions dont leur statut est déjà précaire est appelé inévitablement à se détériorer faute d’une reprise à court terme garantissant le retour des revenus. Autant de personnes qui passeront en mode non plus de vie mais de survie.

Comme l’écrit Marc Landré – Responsable du service EcoFrance – Le Figaro :  » Si le dispositif de chômage partiel permet de passer le cap de la crise, en suspendant les contrats de travail, il ne garantit en rien leur pérennité en sortie de confinement et reprise d’activité. Certes, l’État ne repliera pas son plan de soutien du jour au lendemain mais il ne va pas régler pendant des mois les salaires de plusieurs millions de personnes. Et sans cette perfusion, les entreprises exsangues après des semaines à l’arrêt ou au ralenti n’auront d’autre choix que de licencier.  »

Avant de finir :  »La purge qui se prépare, il faut en être conscient, va être d’une violence, inédite. Les suppressions de postes se chiffreront en centaines de milliers, si ce n’est en millions. »

Quelques soient les dispositifs mis en place. Car elles seront forcément rattrapées par le principe de réalité : les suspensions de charges et des prêts se finiront un jour. Certainement bien avant un redémarrage conséquent de l’économie. Car il faudra bien recommencer à payer. Sinon c’est déclencher le début d’une crise systémique avec les banques mises en défaut. Le Prêt Garanti par l’Etat étant temporaire et une rustine.

A moins de suspendre jusqu’à nouvel ordre le paiement des charges et des impôts. Mais, dans ce cas, c’est sonner le glas de l’Etat et le précipiter à la faillite. Trop gros pour tomber. Encore ce complexe de supériorité mal placé qui nous vaut ce grand cafouillage dans la gestion de la crise sanitaire.

Les politiques sont aussi paralysés par ces perspectives qui font froid dans le dos. Ce qui explique ce sentiment d’être livré à soi-même et cette absence de visibilité faute d’une direction claire, incontestable et solide.

La crise risque donc d’exacerber les tensions sociales et d’accroître les inégalités. Donc de diviser davantage, de radicaliser les camps produisant inévitablement des affrontements qui déstabilisent gravement nos sociétés. Et ce déjà depuis plusieurs mois en l’occurrence en France avec le mouvement des Gilets Jaunes.

Comme le souligne l’association Oxfam  »L’épidémie du COVID-19 touche l’ensemble de la population mondiale mais ce sont les plus vulnérables et les plus pauvres qui sont les plus impactés, tant d’un point de vue sanitaire qu’économique. » 

Avant d’alerter :  »Cette crise agit comme un miroir grossissant des inégalités économiques. Les ménages les plus pauvres sont davantage exposés aux impacts économiques de la crise. Les arrêts de travail contraints et le chômage partiel vont provoquer de grandes difficultés pour toutes les personnes qui perçoivent de faibles salaires ou qui sont en contrats précaires. Pour les personnes les plus défavorisées, le manque à gagner va être catastrophique. »

D’autant qu’une fois de plus ce sont les citoyens qui paient l’incurie des gouvernements accumulée depuis trente ans et le rôle d’apprenti-sorcier dont fait preuve celui-ci dans cette crise.

Une menace mondiale aussi. Une colère mondiale qui peut se répandre comme une traînée de poudre. 

Une reprise de ces contestations est plus que probable avec une intensité accrue cette fois.

Avec au bout du chemin le spectre d’une paix sociale menacée et toutes les conséquences que cela implique.

Autre facteur aggravant : il est à craindre que les dispositions spécifiques au temps de travail issues de l’ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-323 applicables depuis le 26 mars et jusqu’au 31 décembre 2020 et qui permettent de déroger au droit du travail dans trois domaines (les congés payés, les jours de repos et la durée du travail) soient prolongées au-delà de cette date. Autrement dit, le risque est réel que ces mesures d’urgence passent par la force des choses dans le droit commun.

Ce qui conduirait inévitablement à unconflit entre le patronat et les partenaires sociaux. Un bras de fer musclé qui attiserait ces tensions sociales. Et pourrait déboucher sur un désordre social pour ne pas dire un chaos à grande échelle étant donné le nombre des salariés affectés par ces mesures et cette modification du code du travail, remettant en cause des acquis sociaux fondamentaux.

A cela faut ajouter une dimension sous-estimée et même oubliée aujourd’hui : les répercussions au niveau international qui vont avoir un impact important en retour sur notre économie et nos sociétés. Ainsi, avec la fermeture des frontières, ce sont des pans entiers des économies des pays émergents qui s’effondrent. Donc des millions de personnes violemment projetées dans la misère. Et qui vont se trouver affamés, privées de toutes ressources, faute d’emplois.

Alors que la pauvreté dans le monde régressait il y a fort à parier qu’elle grimpe à nouveau.

L’effet boomerang pour nos sociétés sera un choc d’une violence inouï car cette situation humaine désespérée, par exemple en Afrique, se traduira par des vagues successives et jamais vues encore de milliers de migrants débarquant sur les côtes européennes.

Tous ces facteurs combinés pourraient donc au final mener à une crise politique majeure. Pour ne pas dire une crise de régime. Autrement dit, mettre en péril le contrat social et les démocraties confrontées à des vents contraires violents et des forces centrifuges incontrôlables.

Pour conjurer ce scénario catastrophe, il faut réunir quatre éléments : une relance économique le plus vite possible, la mise en oeuvre d’un plan  »Marshall », une action coordonnée au sein de l’Union Européenne, une réponse commune, et des décisions gouvernementales qui tracent un plan de route qui laissent aucune place à toute ambiguïté et garant d’une visibilité.

Arrêtons dès maintenant de nous focaliser sur le serpent qui n’est pas le plus dangereux pour l’avenir de nos sociétés.

Mais concentrons nous sur ce scorpion dont la piqûre pourrait elle s’avérer fatale pour nos sociétés et nos démocraties.

Un scénario fiction ? A chacun son point de vue. 

Mais à estomac qui a faim, régime sur sa fin.

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